23 octobre 2025
Aborder une course longue nécessite une préparation minutieuse.
Mais il arrive parfois que l’on s’inscrive plusieurs mois à l’avance, que les objectifs changent, et que l’on se retrouve à la veille du départ à se poser la question :
« Je participe en mode sortie longue, ou je reste chez moi ? »
Préparation et plan de saison
En janvier, je planifie mes objectifs pour l’année.
Je commence par une course de village atypique : le Trail de Lhuis (01), mi-mai.
Un 72 km qui enchaîne les parcours de trois autres courses de la journée : le 20 km, le 42 km et enfin le 10 km.
Il tombait un mois avant une course du Challenge National Trail en Ardèche de 52 km, et les Championnats de France de trail long à Val d’Isère (72 km) mi juillet.
Des épreuves rapprochées, mais en ne faisant que quelques rappels entre les trois, cela me paraissait jouable.
Pour finir la saison, un copain me motive à participer à une course de l’UTMJ début octobre.
L’ultra partant le vendredi matin, j’opte pour le trail long de 105 km, réputé assez roulant.
Une préparation solide… jusqu’à la tuile
Je débute l’année par du travail de vitesse, puis j’augmente progressivement la charge.
Le corps répond bien, tout se passe comme prévu.
Mais deux jours avant ma première course, pendant la phase de relâche, patatras : une périostite se déclare.
Je strappe, j’enfile les manchons et décide de courir quand même.
La forme est là, la course se passe bien, mais les semaines suivantes deviennent un enchaînement de repos forcés et de footings légers pour soigner la blessure.
Après les France, fin juillet, j’avais aussi prévu une traversée “off” avec les copains : deux jours, 70 km par jour en montagne.
Résultat : début août, je suis désentraîné, fatigué, et toujours dans l’inflammation de ma périostite qui depuis le début a changé de jambe.
Pas l’idéal pour aborder sereinement un 105 km deux mois plus tard.
Le départ sous le brouillard
Le matin de la course grâce au renforcement musculaire et la relâche, je suis enfin débarrassé de la douleur, mais la motivation n’est pas là. J’apprends que je suis favoris en catégorie M2 mais ça me démotive plus qu’autre chose pour tenir la place.
Je me dis, tant pis, que ce sera une belle sortie longue.
N’étant pas très motivé, je pars un peu à l’arrache, pas de sac de délestage, pas de sac à l’arrivée, juste quelques barres perso et les ravitaillements de l’organisation.
Je pars tranquillement, en fond de premier sas, sous un brouillard épais.
Je vise 12 h 30, et malgré la méforme, je reste dans les temps.
Au km 80, je passe la base vie. Beaucoup de coureurs sont assis, je ne traîne pas : il ne reste “que” 25 km.
L’enfer de la crête
À la sortie de la base vie, la pluie arrive.
Je me dis que ça va bien se passer car il reste peu de temps… mais la température chute rapidement à mesure que je monte.
Trempé, je finis par enfiler la veste avant d’avoir froid.
À 1300 m, le vent se renforce, les chemins deviennent glissants.
Le rendement s’effondre.
Sur la crête, vers 1550 m, c’est dantesque :
vent violent, pluie glaciale, visibilité réduite.
Je me recroqueville pour limiter ma prise au vent.
Devant moi, une femme a les jambes rouges de froid.
Je m’appuie sur les bâtons pour ne pas être déporté.
Je lutte pour avancer, il ne faut surtout pas m’arrêter.
Le ravitaillement du froid
Quelques kilomètres plus bas, un ravitaillement dans une grange.
Il reste 10 km, presque tout en descente.
Je vois des coureurs emmitouflés sous leurs couvertures de survie.
Je me dis que je ne dois pas traîner…
Puis je vois la soupe. Je sors ma tasse. Erreur fatale.
Je commence à trembler violemment, incapable de tenir la tasse.
Je me renverse de la soupe dessus.
J’en bois trois, quatre gorgées : aucune amélioration. Je reprends de la soupe…
Je commence à raisonner :
si je repars, mon allure va chuter, je vais encore me refroidir, et passer trop de temps dehors.
Je sors ma couverture de survie (qui se déchire en la dépliant…) et j’hésite.
Dix mètres plus loin, il y a une tente chauffée des secours, il faut passer dehors pour l’atteindre. En y allant mes tremblements deviennent incontrôlables.
Je décide d’abandonner.
Épilogue
Dans le minibus, nous faisons halte pour secourir deux coureurs, dont un en hypothermie sévère.
Devant le nombre d’abandons, la course est neutralisée.
Pas de regrets : la motivation n’était pas là, mais j’en ressors avec des enseignements précieux.
Ce que je retiens
Et la suite ?
Aucune rancune envers la Franco-Suisse.
Je repars avec une idée fixe : la refaire l’an prochain, mais cette fois, plus motivé et en pensant aux sacs de délestage.
Fred de l’équipe 🍃 Feuille de route 🍃